Jeunesse

Katherine Howe

Conversion  

JL

Entretien par Julie Lekeux

(Librairie Le Furet du Nord, Lille)

Un récit qui alterne le quotidien des lycéennes américaines d’aujourd’hui et celui d’adolescentes de la fin du XVIIe siècle. Des époques radicalement différentes, mais des tourments qui ne sont peut-être pas si éloignés… Un roman qui mêle l’Histoire au témoignage.

 

Page — Katherine Howe, vous êtes historienne et écrivain. Comment vous est venue l’envie d’écrire pour les ados ?
Katherine Howe — Mon premier roman, L’Ensorcelée de Salem (XO), a trouvé un très large écho auprès du public adolescent. Je raconte le destin d’adolescentes qui se retrouvent mêlées au plus infamant procès de l’histoire des États-Unis, celui des sorcières de Salem. J’étais très intéressée par l’idée suivante : être une adolescente d’aujourd’hui et être une adolescente en 1690 est-il comparable ? Par bien des aspects, il est évidemment plus facile d’être une adolescente de nos jours – et pourtant, cela n’est pas si simple. Par ailleurs, en tant qu’écrivain je sais combien les livres étaient importants pour moi lorsque j’étais adolescente, ils se faisaient le miroir de mes propres expériences et je me sentais moins seule. Je pense également qu’écrire pour les adolescents est quelque chose que chaque romancier pour adultes devrait essayer de faire.

P. — Est-il exact que vous êtes la descendante de deux « sorcières » de Salem? Dans Conversion, vous poussez votre héroïne à faire des recherches sur la pièce d’Arthur Miller Les Sorcières de Salem pour qu’elle puisse pointer du doigt l’absence de certains personnages de la pièce, qui étaient pourtant là lors des faits. Est-ce une façon de redonner leur place à vos ancêtres ?
K. H. — Ha ! C’est vrai, trois sorcières très exactement : Elizabeth Proctor (condamnée mais épargnée), Delivrance Dane (jugée mais pas condamnée) et Elizabeth Howe (condamnée et pendue). J’ai toujours été intriguée par la façon dont les événements historiques changent selon la personne qui les raconte. Dans l’histoire de la sorcellerie en particulier, la question de celui qui détient le pouvoir est toujours primordiale. La plupart des Américains découvrent l’histoire de Salem au lycée en lisant la pièce de Miller. Mais l’angle choisi par la pièce montre le procès comme s’il n’était que l’affaire des hommes et de leurs impératifs moraux. Or, la plupart des accusés traduits en justice à Salem étaient des jeunes filles. À mon avis, on devrait réfléchir davantage à la corrélation entre femmes et pouvoir lorsqu’il s’agit de Salem.

P. — Selon vous, le syndrome de « conversion » pourrait-il expliquer de nombreux faits surnaturels qui constituent notre histoire ?
K. H. — Je ne suis pas psychologue et j’hésite toujours à appliquer des théories psychologiques contemporaines à des gens ayant vécu longtemps avant qu’elles n’apparaissent. Nous vivons dans une ère post-freudienne dans laquelle même les adolescents sont familiers de notions telle que l’inconscient. Évidemment ce n’était pas le cas au xviie siècle. À cette époque, les hommes se percevaient différemment, ils interprétaient les événements de leur monde davantage par le prisme du discours religieux. Ceci étant dit, les comportements observés lors du procès de Salem ressemblent étrangement aux descriptions du syndrome de conversion de nos jours. Il est important lorsqu’on pense au passé de se rappeler que les gens agissaient selon leurs propres motivations, en relation avec leur stress, leurs peurs, leurs espoirs et leurs rêves. Ils ne vivaient pas pour nous, aujourd’hui, mais pour eux-mêmes, à leur époque.

 

Les dernières parutions du même genre