Jeunesse

Anne Loyer

Un bébé si je veux !

Entretien par Aude Marzin

(Librairie Plaisir de lire, Plaisir)

Anne Loyer propose un roman sur les rêves et les désirs de liberté de femmes des années 1970 à nos jours à travers les destins liés de Renée, Sylvie et Maxime, et montre comment leurs choix sont le résultat de luttes féminines ayant voulu faire évoluer les mentalités et la société, mais dont les acquis restent malgré tout fragiles.

Pour commencer, pouvez-vous nous présenter votre livre ?

Anne Loyer - Trois fois elle raconte l’histoire de trois femmes à travers trois époques différentes. On commence en 1972 avec Renée, une jeune fille issue d’un milieu populaire, première de sa famille à faire des études. Elle veut réussir mais sa vie bascule lorsqu’elle tombe enceinte. Elle se retrouve confrontée à l'interdiction de l'avortement, encore illégal à cette période, au moment même du procès de Bobigny mené par Gisèle Halimi.

 

En 1992, nous rencontrons Sylvie. Qui est-elle ?

A. L. - Sylvie arrive quelques années après la chanson Elle a fait un bébé toute seule de Jean-Jacques Goldman, qui résonne beaucoup pour elle. Son plus grand désir est d’être mère, sans forcément être en couple. Elle veut aussi devenir coiffeuse, un choix de carrière qui ne plaît pas à ses parents. Pourtant, Sylvie est déterminée à suivre son propre chemin, quitte à contrarier les attentes familiales.

 

Enfin, en 2022, nous faisons la connaissance de Maxime, une jeune femme dans l’ère du temps.

A. L. - Maxime, la petite-fille de Renée et la fille de Sylvie, incarne la génération actuelle, influencée par les combats écologiques de figures comme Greta Thunberg mais pas seulement. Elle décide très jeune qu’elle ne veut pas d’enfants, choisissant de se réaliser autrement. Maxime est le produit des luttes féministes précédentes et bénéficie de libertés que les générations avant elle n’ont pas eu la chance d'avoir.

 

Ces trois femmes sont liées par des relations familiales complexes. Pouvez-vous nous en dire plus ?

A. L. - Renée, Sylvie et Maxime sont mère, fille et petite-fille. Renée et Sylvie ont une relation très conflictuelle et seul le père de Renée réussit à créer du lien entre elles. Maxime, elle, est très proche de sa grand-mère, partageant avec elle un esprit indépendant et une vision non-traditionnelle de la maternité.

 

Vous abordez des thèmes sociétaux importants. Pourquoi ces choix ?

A. L. - Je voulais explorer la maternité sous différentes perspectives. Maxime peut choisir de ne pas avoir d’enfants grâce aux combats féministes précédents. C’est crucial de rappeler que nos droits, comme l’avortement, sont le fruit de luttes passées et qu’ils restent fragiles. Il faut rester très vigilants pour ne pas les perdre.

 

Le procès de Bobigny est un élément-clé de l'histoire de Renée. Pourquoi cette référence ?

A. L. - Le procès de Bobigny en 1972, lors duquel Gisèle Halimi a défendu une jeune fille accusée d’avortement après un viol, marque un moment crucial pour les droits des femmes en France. L'avocate en a fait un procès politique, rampe de lancement pour la légalisation de l'IVG en 1975. Renée, dans mon roman, est confrontée à une grossesse non désirée à une époque où l’avortement est illégal, illustrant les luttes féminines de cette époque.

 

Le livre explore aussi les différentes manières dont les femmes peuvent s’accomplir. Pouvez-vous nous expliquer comment ?

A. L. - Chaque femme, dans le livre, a sa propre vision de la réalisation personnelle. Renée aspire à l’éducation, à la réussite professionnelle, malgré les obstacles, et à l'amour physique sans entraves. Sylvie veut avant tout être mère, sans disposer des moyens scientifiques d'aujourd'hui, même si cela signifie être mère célibataire. Maxime, elle, choisit de ne pas avoir d’enfants et de se concentrer sur ses études et sa carrière. Ces trajectoires montrent que la maternité n’est pas la seule voie pour s’accomplir en tant que femme. Qu'elle doit rester un choix de vie, librement consenti.

 

Un dernier mot pour nos lecteurs ?

A. L. - Trois fois elle est une célébration des choix et des luttes des femmes à travers trois générations. Ce ne sont que des exemples parmi d'autres, bien sûr, mais je les souhaite réalistes et émouvants. J’espère que les lecteurs, jeunes et moins jeunes, trouveront dans ces histoires un reflet de leurs propres aspirations et défis à mener.

 

 

Ce roman choral explore les réflexions autour de la maternité à travers trois générations de femmes liées par des liens familiaux : Renée, face à une grossesse non désirée en 1972 ; Sylvie, rêvant d'être mère solo en 1992 ; Maxime, choisissant de ne pas avoir d'enfants en 2022 pour se réaliser professionnellement. Malgré des incompréhensions et des oppositions entre mères et filles, un lien fort se crée entre la petite-fille et la grand-mère grâce à leur soif commune de connaissances. Ce récit souligne l'importance de protéger les acquis des droits des femmes, toujours fragiles face aux évolutions sociétales, ainsi que l’Histoire nous l’a appris et nous l’apprend encore tous les jours.

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