Jeunesse

Charlotte Bousquet

Grandes femmes, fantastiques destins

CR

Entretien par Célia Ribette

(Librairie Rêv'en Pages, Limoges)

La tyrannie qu’endure son peuple n’est plus supportable pour Lina. Prête à tout pour changer le cours des choses, elle s’entoure de figures fortes qui la rejoignent dans le combat. La particularité de ce rassemblement ? Ce sont toutes des femmes. La force de Charlotte Bousquet ? Son écriture qui vous permettra de vous attacher à ses personnages.

Vous avez l’habitude d’écrire, de créer des personnages féminins, en témoigne votre bibliographie. Comment vous est venue l’idée de Chevaleresses ?

Charlotte Bousquet : Quand mes éditrices, chez Slalom, m’ont proposé de travailler sur un roman de fantasy mettant en scène des héroïnes fortes et des chevaux, j’ai immédiatement pensé aux Sept Samouraïs et à toutes leurs déclinaisons. J’ai également réfléchi à la façon dont différents réalisateurs et showrunners de séries se sont emparés du thème. Je me suis demandé qui pourraient être ces Sept Mercenaires au féminin. Et j’ai commencé à prendre des notes.

 

Vous imaginez pour ce titre tout un univers de fantasy, une véritable mythologie. Des légendes féminines en particulier vous ont-elles inspirée ?

C. B. - Le folklore de Sarmis puise aussi bien dans les contes d’Europe du Sud que dans les légendes d’inspiration celtique. J’avais créé une ébauche de cet univers, il y a très longtemps, pour l’un de mes premiers romans jeunesse (La Marque de la bête, aujourd’hui épuisé). Je l’ai développé. Quant aux thèmes : vengeance, quête d’identité, amitié, loyauté, etc., je crois qu’ils sont universels et non-genrés.

 

Le roman débute avec un chapitre par personnage. Au fur et à mesure, les héroïnes sont amenées à se rencontrer, se lier. Au-delà du très beau travail d’écriture, l’exercice était-il un défi pour vous ?

C. B. - Le découpage du roman et l’idée de donner une voix à toutes mes héroïnes se sont imposés dès le début. Cependant, j’ai hésité. Adopter un point de vue différent à chaque chapitre n’était pas simple, tant du point de vue de la structure du récit qu’au niveau de sa forme. Il me fallait conserver une unité tout en permettant à chacune de mes « chevaleresses » de s’exprimer. Il me fallait aussi être sûre de ne pas perdre mes lecteurs en chemin.

 

Quel est votre personnage préféré, celui que vous avez le plus aimé écrire, développer ?

C. B. - Question difficile. Au fil de l’écriture, toutes m’ont donné leur énergie, toutes m’ont donné l’élan dont j’avais besoin pour poursuivre leur histoire. Certaines ont été plus faciles à prendre en main : Flor, par exemple, qui est assez monolithique dans ses motivations ou Jehane, qui est noble et lumineuse jusqu’au bout de la crinière de son destrier ; d’autres, comme Esterel ou Mirelha, m’ont demandé plus de travail, en raison de leur personnalité ou du rôle qu’elles jouent dans la compagnie. En fait, je les aime toutes.

 

Certaines des héroïnes sont attachées à un animal. Je n’en dévoile pas trop, mais on sent une sensibilité pour la cause animale dans votre écriture lorsque vous évoquez leurs relations. Il vous semblait important de l’inclure dans votre roman ?

C. B. - Notre société exclut depuis trop longtemps les autres animaux : au fil des siècles, elle en a fait des outils, de la nourriture, des adversaires ; elle leur a refusé et leur refuse encore, en dépit des avancées scientifiques et éthiques, le droit d’exister en tant qu’êtres vivants, singuliers, sensibles, doués d’intelligence et d’une réelle capacité à faire des choix. Même dans les récits de fantasy, il est rare que les autres espèces aient la possibilité de s’exprimer, de manifester leur intelligence, à moins d’être d’origine magique. Dans Chevaleresses, je voulais que cela soit différent. Ainsi, Belette et Merle ont décidé de faire un bout de chemin avec Mirelha. Quant aux chevaux, j’ai essayé de rendre au mieux leur sensibilité et leur immense générosité, encore trop souvent sous-estimées aujourd’hui.

 

De l’heroic fantasy féministe : c’est ainsi que l’on décrit votre œuvre ! Offrir à la littérature adolescente un roman avec des jeunes filles et des femmes valeureuses était nécessaire pour vous ?

C. B. - Oui ! Même ici en France, en 2023, on constate toujours de grosses inégalités sociales et salariales. Et la parole des femmes qui subissent des violences est encore et toujours mise en doute. Nous vivons dans une société dans laquelle les stéréotypes de genre et les comportements sexistes ont la vie dure – en partie parce qu’ils sont tellement ancrés en nous qu’ils semblent parfois intégrés à notre ADN. Parmi ces comportements conditionnés par des siècles de domination masculine, il y a celui du renoncement. Renoncement à sa carrière, ses désirs, ses besoins pour satisfaire ceux de l’autre (mâle, de préférence). Pour mes sept chevaleresses, un tel comportement est inconcevable. Je souhaite que cela le soit, que cela le devienne, pour celles et ceux qui me liront.

 

À propos du livre

Charlotte Bousquet installe un véritable univers pour des personnages épiques ! De Lina, la forgeronne, à Flo, la mercenaire, nous suivons sept femmes. Sept caractères différents et aux capacités diverses, de la force à la magie. Elles sont unies face à un tyran intraitable. Leur dissidence sera leur force, leur courage sera leur lien : impossible de ne pas terminer ce livre sans avoir une envie de justice ! Chevaleresses est un vrai coup de cœur grâce à la construction du roman : un chapitre par personnage, de leur point de vue. Il est aussi impossible de ne pas entendre résonner en soi l’une des phrases du roman : « Je ne suis pas faite de ténèbres mais de justice et de colère ! »

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