Littérature française

Maylis Adhémar

L'entretien par Delphine Bouillo

Librairie M'Lire (Laval)

Après avoir exploré le monde des catholiques intégristes dans son premier roman Bénie soit Sixtine (Julliard et Pocket), Maylis Adhémar nous emmène au cœur des Pyrénées à la rencontre d’éleveurs de brebis confrontés au super prédateur qu'est l'ours. Zita, bergère des temps modernes, revient au cœur de sa vallée natale et se trouve confrontée à cette problématique. Devra-t-elle choisir entre l'homme et la bête ?

Quelle a été la genèse de ce roman ?

Maylis Adhémar - J’ai grandi dans le Tarn, dans un petit village. J’ai fait mes études au lycée agricole car j’avais envie de travailler dans l’agriculture. Je suis restée en lien avec beaucoup d’amis issus de ce monde agricole, qui sont devenus agriculteurs et éleveurs pour certains. Je vis à Toulouse, dans un milieu plutôt « bobo-urbain » (rires). Je suis souvent confrontée à la méconnaissance qu’ont les urbains du monde agricole et encore plus de l’agriculture en montagne et haute montagne. Mes amis agriculteurs ont l’impression de ne pas être compris. J’avais donc envie de parler d’eux depuis longtemps. Au moment de la sortie de mon premier roman, ils m’ont demandé de le leur apporter car il n’y a pas de librairie près de chez eux ou ils n’osent pas y entrer. J’avais envie d’écrire un livre sur eux et pour eux, dans lequel ils pourraient se reconnaître.

 

La place de la nature est omniprésente. Une voix est donnée à ces agriculteurs, avec toutes leurs ambiguïtés, à travers le personnage de Zita.

M. A. - Oui, Zita est une fille d’éleveurs transhumants. Ils vivent isolés au fond d’une vallée, au cœur d’une région très préservée, le Haut Couserans. C’est d’ailleurs pour cela que les ours y ont été réintroduits. Ce sont de petits éleveurs qui pratiquent l’estive. Modestes, ils ont un mode d’élevage traditionnel qui ne permet pas de faire vivre plusieurs personnes. C’est pourquoi les enfants sont partis. Zita, bonne élève, est devenue ingénieure agronome mais a gardé des liens très forts avec sa vallée, en faisant les estives. Elle fait face au problème de l’ours d’un point de vue d’éleveuse, c’est-à-dire que l’ours a été réintroduit, sans concertation locale, par des dirigeants enfermés dans leurs bureaux à Paris. Elle est opposée à ces réintroductions mais est en même temps détentrice de toute une tradition de l’ours à travers les histoires que lui racontaient sa grand-mère. En revenant, Zita est aussi en recherche d’une place, dans sa vie, dans son couple. Elle est tiraillée entre ces deux mondes.

 

Tout semble reposer sur une certaine loyauté.

M. A. - Zita est très loyale envers sa famille et veut avant tout les défendre car elle sait que ces éleveurs transhumants sont attaqués de toute part. D’un côté par l’agriculture hyper-productiviste et de l’autre par des gens qui défendent des valeurs écologiques sans avoir conscience de ce que c’est que d’être seul dans une montagne avec ses brebis face à un prédateur. Ils sont pris en étau. Peu importe ce qu’il arrivera : Zita va les défendre, quitte à être contradictoire avec elle-même. Sa fidélité est sans limite.

 

Certains personnages qui gravitent autour de Zita sont très caricaturaux, pétris de bons sentiments et représentent justement la confrontation entre ces deux mondes.

M. A. - Sur les questions de l’ours dans les Pyrénées, du ré-ensauvagement, j’ai l’impression qu’il y a une certaine hypocrisie. On veut du sauvage mais pas chez nous, pas dans nos métropoles urbanisées. Les bergers en estive ne sont pas là que pour nourrir leurs troupeaux. Ils sont là pour entretenir le paysage, pour qu’il y ait plus de biodiversité. Le paysage est dessiné par les troupeaux de brebis. Dire que c’est de leur faute, qu’ils sont des arriérés bornés est un discours biaisé. On tape sur la mauvaise personne. Ces gens ont un véritable lien avec leur territoire, ils l’aiment et ont réussi à le garder sauvage, en se battant pour qu’il n’y est pas de traversée centrale des Pyrénées par exemple. Ils ont fait en sorte qu’il reste des territoires préservés. Ces bergers font un travail incroyable et c’est cela aussi que je voulais montrer avec le roman. Il y a très souvent un procès de mauvaise intention qui leur est fait, parce qu’ils ne savent pas forcément bien s’exprimer dans les médias ou qu’ils expriment leur colère de manière rude. Ce qui les fait paraître beaucoup plus rustres qu’ils ne le sont. Ils sont vraiment victimes d’injustices.

 

Zita, l'enfant du pays, revient dans la vallée après quelques années à parcourir le monde. Elle y retrouve la ferme familiale, sa cabane dans les hauteurs, les brebis. Mais les choses ont changé depuis son départ. La vie dans la vallée n'est plus la même. Un soir de fête, elle rencontre Pierrick, le citadin qui vit avec sa petite fille. Cette rencontre va bouleverser la vie de Zita, tiraillée entre deux mondes, celui de la montagne, des estives et celui de la ville. Deux mondes que tout oppose. Cette opposition va être accentuée par la découverte du cadavre d’un ours, tué d'une balle entre les deux yeux au cœur de la montagne. Empêtrée dans ses contradictions, Zita essaie de trouver sa place et devra faire des choix.