Alabama 1963 est votre premier roman. Pourquoi avoir décidé de l’écrire à quatre mains ? Comment est née cette collaboration ? Comment vous êtes-vous réparti le travail ?
Christian Niemiec - Déjà, petit, je disais que j’écrirai un roman à deux ! (rires) Mais avant le roman, il y a eu le doublage : Ludovic et moi traduisons à quatre mains des dialogues de séries et de films depuis quatorze ans. À un moment, on a eu envie d’écrire notre propre histoire.
Ludovic Manchette - Concernant la répartition des tâches, il n’y en a pas ! (rires) On écrit chaque ligne ensemble. On rédige d’abord un plan, donc on sait où on va. À partir de là, lorsqu’on écrit, l’un de nous lance une phrase, l’autre rebondit, etc., jusqu’à ce qu’on arrive à la formulation qui nous convient à l’un comme à l’autre. Heureusement, lorsqu’on tient la bonne phrase, on le sait tous les deux.
En lisant votre livre, j’ai eu l’impression que l’aspect historique et social importait tout autant, si ce n’est plus, que l’intrigue policière. Pourquoi lui accorder une telle importance ?
L. M. - Notre idée de départ était de réunir un duo insolite et on a assez vite pensé à une femme noire et un homme blanc dans l’Amérique ségrégationniste. À partir de là, l’intrigue policière s’est imposée : il fallait une situation de départ suffisamment forte pour que tous les deux prennent le risque de passer du temps ensemble.
C. N. - Et quoi de plus fort que des disparitions de petites filles ? Cela dit, même si l’enquête était d’abord un prétexte, on s’est attaché à construire une intrigue aussi bien ficelée que possible.
L. M. - Il faut préciser aussi qu’on ne voulait pas écrire un roman glauque. On y a insufflé beaucoup d’humour. D’ailleurs, les lecteurs le qualifient souvent de « lumineux ».
Pourquoi avoir choisi de parler de la ségrégation raciale aux États-Unis ?
C. N. - Les États-Unis, c’était une évidence. Notre métier de traducteur nous fait baigner dans cette culture. Sans compter que nous aimons beaucoup leur littérature et leur cinéma. Quant à la ségrégation, c’est une période surréaliste et complètement schizophrénique, avec d’un côté une Amérique moderne incarnée par les Kennedy et, de l’autre, des lois d’un autre âge.
L. M. - D’un point de vue romanesque, ça nous permettait de décrire des situations terribles et d’autres totalement ubuesques. Et puis, même si Obama était Président quand on a commencé à écrire, on savait bien que l’Amérique n’en avait pas fini avec ses vieux démons.
À propos du livre
Alabama, 1963. Le corps d’une fillette noire est retrouvé dans la forêt. Quelques jours plus tôt, ses parents, désespérés face à l’inaction de la police font appel à Bud Larkin, un détective privé blanc, raciste et alcoolique. Ayant accepté l’affaire dans l’unique but de se faire de l’argent, Bud se découvre malgré lui un intérêt pour l’enquête. Aidé d’Adela, une mère de famille et femme de ménage noire, ils vont chercher à élucider le mystère de ces disparitions d’enfants noirs. Un roman policier, historique et sociétal où les intrigues s’entremêlent et ne se dénouent pas avant la dernière page.