Essais
Balade avec Walter Benjamin
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Walter Benjamin
Lumières pour enfants
Traduit de l’allemand par Sylvie Muller
Christian Bourgois éditeur
19/05/2011
308 pages, 7 €
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Dossier de
Mathilde Villechevrolle
Pigiste () -
❤ Lu et conseillé par
4 libraire(s)
- Diane Glanzman de Payot (Neuchâtel)
- Jonathan Burgun de Maison du livre (Rodez)
- Caroline Neiser de Maupetit (Marseille)
- Jean-Pierre Agasse de Actes Sud (Arles)
✒ Mathilde Villechevrolle
(Pigiste )
L’œuvre de Walter Benjamin venant d’entrer dans le domaine public, Christian Bourgois propose une réédition en format poche, dans la collection « Titres », de cinq livres qui obéissent à l’injonction de leur auteur : « Ne laisse passer aucune pensée incognito ». Sans aucune intention narcissique, ces ouvrages forment un véritable voyage initiatique dans la vie et la pensée d’un homme qui a marqué la pensée philosophique de son temps.
Philosophe, critique, journaliste, traducteur, Walter Benjamin demeure l’un des personnages les plus fascinants de la pensée juive allemande de l’entre-deux-guerres. Son suicide pendant son exil espagnol en 1940 ajoute au mystère d’un homme qui proscrivait systématiquement le « je » de ses textes. À ce titre, la réédition de cinq ouvrages à caractère autobiographique forme à bien des égards un éclairage tout à fait original sur la pensée et la vie de leur auteur. Journal de pensées, comptes rendus exposant avec une rigueur toute scientifique ses absorptions de haschich, billets d’humeurs ou encore interventions radiophoniques destinées au grand public et aux enfants : tous ces textes, à leur façon, mettent à mal la « petite règle » de l’absence de la première personne et rapportent les expériences les plus intimes d’un homme. Souvent fragmentaires, ils ont en commun d’avoir été enterrés vivants soit par leur inachèvement, soit par l’immédiateté de leur production. L’érudition déployée dans chacun des apparats critiques soutient la lecture et rend compte avec précision des tribulations de cette écriture personnelle. Au fil des pages, on partage ses jeunes années berlinoises où naît sa fascination pour le monde urbain. On prend le train à ses côtés pour traverser les Alpes et admirer les alentours du lac de Genève. On s’émerveille de l’architecture vénitienne et on s’indigne avec lui des escroqueries des cafetiers italiens. On assiste à ses discussions passionnées avec Brecht sur la politique, le théâtre, la littérature, l’amour. On se promène aussi dans ses nuits à travers la retranscription de ses rêves et de ses hallucinations d’ivresse. Le tout rapporté dans un style poétique, mystérieux et délicat qui nous fait traverser ses années et ses lignes avec régal. Mais, on découvre aussi un homme fragile qui, dès 1931, se dit « fatigué » par « l’insatisfaction relative à son existence » et évoque déjà ses inclinations suicidaires.
Au-delà de la troublante et agréable proximité que ces récits nous offrent avec l’homme, c’est toute l’œuvre du philosophe qui s’éclaire à travers cette intimité dévoilée. La « courbe de vie », selon ses mots, qui fait se rencontrer une subjectivité et un monde, apparaît dès lors comme une réserve inépuisable nourrissant sa pensée. On voit sous nos yeux s’édifier les questionnements qui lui sont chers : l’Histoire, le surgissement du passé dans le présent, la critique, l’art, l’architecture et, surtout, la passion des mots.
Dans la même collection, Sur le haschich, Écrits autobiographiques et Trois Pièces radiophoniques.