Littérature étrangère

De rire et de larmes

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Par Laura Picro

Librairie L'Arbre à lettres (Paris)

Dans les deux premiers romans de sa trilogie, Angel Wagenstein met en scène le tumulte tragique des destinées juives d’Europe pendant le XXe siècle et défie l’absurdité de la condition humaine avec un souffle épique et un humour corrosif.

Voici les épopées de deux hommes ballottés par les vicissitudes de la grande Histoire. Le Pentateuque est le grand récit autobiographique d’Isaac Jacob Blumenfeld, citoyen ordinaire qui aura connu cinq nationalités, deux guerres mondiales et trois camps de concentration. Un parcours difficile et insensé qui a été celui de nombreux habitants de la Galicie. Cet homme désormais âgé mène une conversation avec le lecteur ponctuée de nombreuses digressions et blagues juives où finalement seule la dérision semble rendre l’irréel plausible. Vient ensuite le conte d’Abraham le Poivrot, grand-père du narrateur, athée juif et figure légendaire de Plovdov en Bulgarie, qui assiste impuissant au départ de ses amis et des populations progressivement chassés par les utopies collectives ravageuses et les idéaux fallacieux. Un affabulateur en proie aux transes éthyliques mais à l’amitié indéfectible qui alimente joyeusement les chroniques de ce petit monde turbulent. Le premier traverse les épreuves avec un humour infaillible, le second avec un espoir inébranlable. Si ces deux récits prennent le parti de dire que « nous n’avons pas à juger les impénétrables desseins de l’Histoire et de son cours inexorable », force est de constater sa violence et son absurdité. Des folies collectives, des mondes qui s’effondrent, des séparations, des exils, des génocides… Comment trouver alors un sens à « cette vie de merde si mal imaginée par les trois puissants dieux » ? Sans doute est-on condamné, comme le dit Abraham le Poivrot, à tourner et tourner sur place comme l’âne, mais avec la certitude qu’il y a au bout de ces romans deux promesses : la vie et l’amour.