Bande dessinée

Julien Blanc-Gras

Touriste

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Chronique de Claire Rémy

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Après de longs mois d’hiver, de froid et de grisaille, qui ne rêve pas de vacances et de nouveaux paysages ? Pour ceux qui ne peuvent pas partir (et les autres), Julien Blanc-Gras et Mademoiselle Caroline proposent un (petit) tour du monde en presque 200 pages, coloré et humain.

 

Sorti en 2011 aux éditions Au Diable Vauvert, le roman de voyage Touriste de Julien Blanc-Gras trouve une seconde vie sous le trait malicieux de Mademoiselle Caroline. Depuis tout petit, Julien est fasciné par le monde et la multitude de possibilités qu’il offre. Pensez-vous, enfant, il avait un globe terrestre en guise de nounours ! Devenu grand, quoi de plus normal pour lui que de vouloir vérifier « que les informations contenues dans les atlas étaient correctes. » Et pour définir pleinement ses projets, voilà ce qu’il dit : « Je n’ai pas l’intention de me proclamer explorateur. […] Je ne suis pas si exigeant. TOURISTE, ça me suffit. » Nous voilà donc partis à sa suite, de l’Amérique du Sud en Asie, en passant par l’Afrique. Et rien qu’à travers ces destinations, on comprend bien le but de Julien : découvrir des cultures différentes de la sienne – s’il l’a sûrement visité, il ne sera nullement question de l’Europe dans ce carnet de voyage. Profondément humaniste, Julien part avant tout pour découvrir les gens, s’en s’enrichir (intellectuellement évidemment !) et tordre le cou (ou pas) aux clichés que nous, Occidentaux pleins de certitudes, avons tendance à entretenir sur le reste de la planète. Ainsi, oui, la Colombie est encore gangrenée par les trafics et l’ombre de Pablo Escobar plane toujours, mais on ne s’y fait pas pour autant égorger à chaque coin de rue. Oui, il existe dans le désert marocain des hommes que l’immensité tranquille ne surprend plus et qui n’ont jamais mis les pieds dans une ville. Ils n’en sont pas malheureux pour autant. Enfin, les Chinois mangent tout et n’importe quoi. Bon, ça c’est vrai ! Il ramène aussi l’homme à ce qu’il est : un petit rien à l’échelle de la planète et de son immensité. « Je ne fais que passer » dit-il. La force de ce carnet de route, c’est de ne jamais porter de jugement sur les autres. S’il y a bien parfois quelques moqueries, elles sont toujours gentilles et ne sont destinées qu’à nous faire rire, un peu comme un copain qui raconterait ses vacances ! Et il s’agit bien de ça au fur et à mesure de la lecture : on a l’impression de regarder l’album photo d’un ami grâce aux illustrations énergiques et pleines d’humour de Mademoiselle Caroline ! Celle dont on connaissait déjà la verve dans des albums comme Enceinte ! C’est pas une mince affaire (bientôt réédités chez Delcourt), apporte ici une vraie plus-value au texte original en proposant mille détails, tant dans les paysages que dans les portraits des autochtones (ou des autres touristes, beaucoup moins altruistes que notre héros, et donc beaucoup plus drôles). À chaque page, c’est une explosion de couleurs et de sensations qui nous assaillent ! On a tour à tour chaud puis froid, on croit entendre la musique des boîtes de nuit brésiliennes et sentir les odeurs de cuisine dans les rues de Pékin. Il y a une telle alchimie entre le propos et l’image qu’on jurerait que Julien a emmené Caroline dans son sac à dos. Allez, je vous laisse finir votre valise et… bon tour du monde !