Polar

Louis Forest

On vole des enfants à Paris

illustration

Chronique de Jean-Baptiste Hamelin

Librairie Le Carnet à spirales (Charlieu)

Le Masque remodèle sa charte graphique pour créer le « Masque Poche », qui se déclinera en quatre catégories reconnaissables chacune à une couleur distincte. Rassurons les puristes, le logo intemporel, ce masque traversé d’une plume, figure toujours sur les couvertures. Qu’importe le flacon quand demeure l’ivresse du suspense.

de John Buchan inaugure cette nouvelle collection et portera ainsi, à juste titre, le symbolique chiffre 1. Quoi de plus logique en effet que cette œuvre écrite en 1915 par un Buchan cloué au lit, souffrant d’un ulcère, constitue la première pierre de ce nouvel édifice ! Vous avez l’image en tête, merci sir Alfred Hitchcock, mais redécouvrir le texte, obligatoirement daté dans sa description et dans son rythme, est comme un petit bonheur acidulé. Roman de propagande à la gloire de la nation, Les Trente-neuf marchesLes Trente-neuf marches reste probablement un modèle pour nombre de romanciers actuels. À redécouvrir avec intérêt. En 1906, le journal Le Matin titrait en une : « On vole des enfants à Paris ». Roman populaire d’abord publié sous forme de feuilleton, le texte de Louis Forest fait revivre, dans un style alerte et gouailleur, l’enlèvement de jeunes enfants dans un Paris peu à peu gagné par la psychose. Flirtant entre roman et enquête journalistique, invention pure et personnalités réelles, portrait de la Belle Époque et science-fiction, ce titre, jamais réédité depuis le début du xxe siècle est une sacrée trouvaille. Premier titre de Philip Kerr, Chambres froides doit se lire avec le charme des premières fois, sans tenter d’y déceler, dans la mesure du possible, une quelconque comparaison avec la Trilogie berlinoise (Le Livre de poche). Cette œuvre de jeunesse entraîne le lecteur dans une Russie post-Tchernobyl, corrompue, pauvre, violente, noire et triste. Si l’enquête et son dénouement rapide peuvent décevoir, Chambres froides demeure très intéressant pour son traitement d’une ambiance intensément soviétique, ce climat crépusculaire de Guerre froide finissante qui continue d’envelopper la Russie de Poutine. Et si, comme moi, vous aimez observer les touchants premiers pas de vos romancier(e)s préférés, alors vous serez conquis. Premiers pas également pour Fred Vargas avec Les Jeux de l’amour et de la mort, paru en 1986 et réédité aujourd’hui dans son nouvel habillage. Œuvre de jeunesse, le titre possède le charme des univers en gestation et se présente comme un prélude aux futurs succès de Fred Vargas. On y reconnaît la tension, le goût pour les enquêtes minutieuses qui caractérisent son travail, et l’ébauche de ces personnages marquants qui habitent son œuvre. Le meilleur de son talent est à suivre, mais la base s’avère déjà très solide et séduisante. Pour clore cette première distribution du « Masque Poche », citons le tandem Boileau-Narcejac qui fait revivre Arsène Lupin dans Le Secret d’Eunerville, et Le Cheval parti en fumée de Taiping Shangdi. Sous des allures délicieusement désuètes, cette nouvelle collection, en prenant le parti d’exhumer trésors anciens et premiers romans d’auteurs désormais reconnus, devrait rapidement occuper une place de choix sur la table des libraires et entre les mains des amateurs du genre. Amateurs qui trouveront dans ces petits formats le genre de pépite que l’on dégotte par hasard au fond des greniers poussiéreux de ses grands-parents ou que l’on déniche chez un bouquiniste passionné. Un joli cadeau de Noël.

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