Jeunesse

Coline Pierré

Nos mains en l’air

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photo libraire

Chronique de Hélène Deschère

Librairie Récréalivres (Le Mans)

Coline Pierré continue d’ouvrir la littérature jeunesse à des sujets peu traités. Avec la maîtrise de la langue et l’engagement qu’on lui connaît, elle s’attaque à deux oubliées : la surdité et l’amitié.

 

L’amitié entre deux personnages d’âges différents est assez peu abordée en littérature. Quelques textes tissent des liens entre personnes âgées et enfants mais, en dehors de cette configuration, tout est très normé. Sauf chez Coline Pierré ! Victor et Yazel vont puiser dans leurs différences la force qui leur manquait pour agir. Elle a 12 ans, lui 21. Elle vit chez sa tante détestable dans une maison cossue, il fait des braquages avec son père et ses frères. Elle cherche à fuir sa maison, lui aussi. L’excellente idée de l’auteur est là : deux êtres qui n’auraient jamais dû se croiser et qui se trouvent, qui se soutiennent et s’apprennent, sans que la différence d’âge ne soit jamais posée comme un problème, à peine une interrogation. Sans que ce soit de l’amour amoureux, celui qui éclipse les autres. Enfin ce roman parle aussi de la surdité frontalement et joyeusement. Yazel est sourde et ne parle pas le même langage que Victor. Cette différence, qui aurait pu devenir un mur infranchissable entre eux, est une passerelle entre leurs sensibilités, leurs questionnements et leurs peurs. Parce que se confronter à un langage inconnu, c’est aussi s’obliger à travailler sur le sien. Et c’est une belle manière de réhabiliter le silence. Celui qui lie deux êtres au lieu de les séparer. Parce que le silence n’est jamais total. Comme le dit Yazel, c’est une question de point de vue : « Je ne connais pas le silence. Pour moi, les lumières font du bruit, les mouvements des mains font du bruit, tes lèvres qui bougent font des sons, ma pensée fait du bruit. Ce n’est pas le silence dans ma tête, ce n’est jamais le silence. » Et comme toujours, chez Coline Pierré, le roman est empli de délicatesse, d’humour et de tendresse. Son écriture cueille le lecteur dès les premières lignes pour ne plus le lâcher. Un roman, comme souvent, à conseiller aux ados et aux adultes.