Littérature étrangère

Charles Palliser

Le Quinconce, t. 5

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Chronique de Isabelle Theillet

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Il existe forcément un « Club des Lecteurs du Quinconce » dans le monde. « Libretto » ayant eu l’excellente idée de rééditer les cinq tomes de ce chef-d’œuvre, voici un petit guide à l’usage des lecteurs qui ne seraient allergiques ni à l’époque victorienne ni aux arbres généalogiques.

J’ai lu cet ouvrage en 1993, à sa parution chez Phébus, parce qu’une critique littéraire l’apparentait à La Dame en blanc de Wilkie Collins (Libretto), roman que j’adore par-dessus tout et dont la lecture est tout aussi addictive. Par contre, si l’action se déroule aussi en Angleterre à l’époque victorienne, son auteur, Charles Palliser est un Américain né en 1947, que l’on dit « plus anglais que les Anglais » et qui a mis plus de douze ans à écrire les 1 500 pages de ce livre. Grand admirateur de Dickens (qui s’appelait Charles John Huffam Dickens), il a donné à son héros le nom de John Huffam et l’a fait naître le même jour que lui, le 7 février 1812. Au tout début du roman, le jeune John Mellamphy, qui vit avec sa mère Mary près du village de Melthorpe, n’a le droit de parler à personne. Au gré d’une rencontre accidentelle avec la petite Henrietta, John, qui est très futé, comprend qu’il se nomme Huffam et devrait être l’héritier du manoir de Hougham, propriété actuelle des Monpesson. Après avoir été ruinés, sa mère et lui, objets de menaces constantes de la part d’un ennemi redoutable, vont devoir se cacher dans les bas-fonds de Londres. Mary ne survivra pas à ces conditions terribles de vie et John pourra enfin lire le carnet de notes que sa mère avait promis de lui montrer à ses 21 ans. En quête permanente du mystère de ses origines, John va vivre des expériences difficiles tout au long de l’intrigue. Outre son ampleur, l’œuvre étonne par sa construction. En effet, Le Quinconce porte bien son nom, puisqu’il est bâti en… quinconce. L’auteur a pris soin de découper son œuvre en cinq tomes, correspondant aux cinq familles se disputant le domaine de Hougham : les Huffam (L’Héritage de John Huffam), les Monpesson (Les Faubourgs de l’enfer), les Clothier (Le Destin de Mary), les Palphramond (La Clé introuvable) et les Maliphant (Le Secret des cinq roses). Chaque tome, composé de cinq parties découpées chacune en cinq chapitres, commence avec le blason de la famille concernée et sa devise, puis finit avec un arbre généalogique, celui du dernier tome étant évidemment le plus complet. Et, clé de voûte de l’ensemble, le carnet de notes de Mary, avec, en son milieu (dans la troisième partie du troisième tome), des pages qu’elle a forcé son fils John à brûler et que personne ne pourra lire ! L’auteur a donc volontairement laissé des zones d’ombres. Après avoir fait l’effort de lire ces 1 500 pages, peut-être lui en voudrez-vous terriblement ! Vous n’aurez pas plus tôt terminé votre lecture que vous aurez immédiatement envie de tout reprendre à zéro pour découvrir ce qui vous a échappé. Recommencez avec un carnet de notes à côté de vous. Il y a des indices dès les premières pages du premier tome. Chacun aura sa thèse. J’ai ma propre clé de lecture de ce texte, mais je ne vous la livrerai pas tant que vous ne l’aurez pas lu vous-même. Alors ? Vous tentez ? Bienvenue au Club des Lecteurs du Quinconce !

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