Littérature étrangère

Sarah Vaughan

La Ferme du bout du monde

illustration

Chronique de Nathalie Iris

Librairie Mots en marge (La Garenne-Colombes)

Vous aviez peut-être lu le premier roman très réussi de Sarah Vaughan La Meilleure d’entre nous (Le Livre de Poche). Ambiance très différente pour ce deuxième roman, une histoire de famille qui se passe en Cornouailles.

Lucy est une jeune infirmière surmenée dans un service de néo-natalité. Un jour, elle commet une faute qui aurait pu coûter la vie à un bébé. Comme un problème n’arrive jamais seul, ce jour-là, elle découvre que son mari la trompe. Lucy comprend qu’il faut qu’elle prenne du recul sur sa vie, et décide de partir quelques temps en Cornouailles, dans la ferme familiale où vivent sa mère, sa grand-mère et son frère. Lorsqu’elle arrive, elle découvre une ferme en piteux état : la meilleure solution est de vendre la propriété. Mais la grand-mère s’y oppose farouchement. Flashback, été 1943, pendant la guerre. La grand-mère de Lucy est jeune fille, elle tombe amoureuse d’un garçon réfugié à la ferme. Mais les choses ne sont évidemment pas simples, car ce jeune homme n’est pas pour elle… Le lecteur suit les deux histoires, qui peu à peu se rejoignent, et tout s’éclaire. Une histoire racontée avec passion et brio.

 

PAGE — Votre deuxième roman est très différent du premier, quelles sont vos sources d’inspiration ?
Sarah Vaughan — Pour mon premier roman, j’étais à la maison avec les enfants, je ne travaillais pas et j’éprouvais une sorte de frustration à ne pas avoir d’activité en-dehors d’eux. C’est pourquoi, comme j’ai toujours aimé écrire, j’en ai fait le point de départ de La Meilleure d’entre nous (Le Livre de Poche). Pour La Ferme du bout du monde, il y a deux sources d’inspiration. D’abord, j’ai toujours aimé les histoires, les secrets de famille, qui est évidemment un thème très romanesque. Ensuite, les lieux ont une très grande importance pour moi, particulièrement ceux qui peuvent susciter l’émotion, qui évoquent une appartenance, des souvenirs.

P. — Que représente pour vous la Cornouailles ?
S. V. — J’ai passé mon enfance en Cornouailles, dans la maison de ma famille maternelle. L’été, j’y restais avec mes grands-parents, je participais à la moisson, je jouais dans les meules de foin, je suivais le développement des petits poussins en couveuse, j’ai de très forts souvenirs d’enfance. Ce paysage aussi m’a toujours fascinée, et lorsque j’y retourne, particulièrement lorsque je suis près des falaises, vers la plage, il m’arrive de pleurer d’émotion. La Cornouailles est donc un endroit fort et magique pour moi, il fallait que j’en témoigne à travers un roman.

P. — Comment est née l’histoire de famille que vous nous racontez ?
S. V. — Ce roman est inspiré des histoires que ma mère et ma grand-mère m’ont racontées. Je ne voulais pas écrire seulement sur des problèmes domestiques, je voulais y ajouter une dimension romanesque, y mêler des passions, des secrets et des drames. Je souhaitais aussi évoquer la seconde guerre mondiale et la vieillesse à travers la vie qui passe. Montrer aussi que même les gens, lorsqu’ils sont vieux et ridés, peuvent être jeunes à l’intérieur d’eux-mêmes, par les histoires qu’ils gardent en mémoire et font revivre.

P. — L’histoire de la famille de Lucy est-elle inspirée d’un fait réel ?
S. V. — Non, cette histoire est purement fictive. Mais il y a eu beaucoup d’histoires telles que j’ai raconté celle-ci. Ma grand-mère était femme de pasteur et elle a été éduquée avec l’idée que la pire chose qui puisse arriver était de tomber enceinte sans être mariée. J’ai voulu témoigner du désarroi que peut causer cette situation dans un environnement aussi strict. J’y ai mêlé une histoire d’amour, d’ailleurs il ne s’agit tout au long du livre que d’amour, sous des formes différentes.

P. — Vous êtes-vous beaucoup documentée pour écrire ce livre ? Cela vous a-t-il pris du temps ?
S. V. — J’ai effectivement fait pas mal de recherches avant d’écrire. En faisant ces recherches, j’ai été fascinée par ces jeunes garçons adolescents qui partaient à la guerre. Certains passages que je décris sont véridiques, alors qu’ils pourraient paraître invraisemblables. C’est la question du destin. Ces recherches ont pris du temps car, contrairement à mon premier livre, écrit dans une sorte d’urgence, je voulais pour celui-là écrire un roman plus ambitieux, à la fois dans l’histoire et dans l’espace-temps. C’est compliqué de mêler deux histoires qui se passent dans des temporalités différentes ; j’ai écrit huit versions avant d’arriver à la version finale. Je voulais aussi décrire de manière approfondie les lieux auxquels je suis si attachée. Il m’est arrivé de passer des heures sur la lande, de me perdre exprès, pour ressentir jusqu’au fonds de moi ce paysage magnifique auquel je tiens tant. Et enfin, je voulais travailler la psychologie de mes personnages afin qu’ils soient totalement crédibles, qu’ils aient une vraie sensibilité, chacun. Tout cela est un travail de longue haleine.

P. — Comment se passe la sortie de votre livre, êtes-vous satisfaite ?
S. V. — Oui, je suis très contente. Je suis émerveillée par l’accueil qu’il reçoit, et je dois dire que pour moi cela représente une vraie récompense. Lorsque l’on écrit, même si des proches vous encouragent, vous donnent leur avis, l’accueil des lecteurs est toujours un moment périlleux pour l’auteur. Alors lorsque le succès est au rendez-vous, c’est un vrai bonheur !

Les autres chroniques du libraire