Jeunesse

Marie Pavlenko

Et le désert disparaîtra

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Chronique de Gaëlle Farre

Librairie Maupetit (Marseille)

Si le monde qu’a créé Marie Pavlenko est à bout de souffle, son héroïne, elle, ne manque pas de courage. « Je suis capable. Même si je suis une fille et que mes cheveux sont courts. » Samaa, 12 ans, va braver tous les interdits avant de ramener, parmi les siens, l’espoir d’un lendemain meilleur.

Vous voulez bien nous raconter comment sont nées cette histoire et votre héroïne ?

Marie Pavlenko — Un jour, mon plus jeune fils s’est ébahi devant un tronc d’arbre grouillant d’insectes. J’ai mesuré à quel point l’évidence était en réalité fascinante, précieuse. Ce roman raconte la redécouverte de cette magie, pourtant simple, que nous avons tendance à oublier.

 

Le ton que vous employez dans Et le désert disparaîtra est proche du conte. J’ai pensé en vous lisant à Timothée de Fombelle (Céleste ma planète) et Pierre Rabhi (La Légende du colibri). Ce genre-là vous attirait-il ? Était-ce un choix conscient de narration ?

M. P. — Je ne réfléchis jamais en termes de genre et/ou d’objectifs. J’écris toujours de la même façon, mais le personnage principal apporte sa voix à chacun de mes romans. Samaa vit dans un paysage dépeuplé, silencieux. J’ai cherché à atteindre une forme de calme, de solitude dans mon écriture.

 

Dans votre livre, c’est grâce à une héroïne fille, toute jeune et toute fine, que la Terre pourrait trouver une issue à ses maux. Pensez-vous que les filles et les femmes ont un rôle particulier à jouer pour sauver la planète ?

M. P. — Les femmes ont une connexion majeure avec la nature : elles sont le sauvage, elles aussi. Elles ressentent et vivent des expériences uniques et très animales que l’homme ne partage pas (l’accouchement, l’allaitement, les règles, l’orgasme). En cela, elles font peur et l’homme essaie de les contrôler, de les dominer. La chasse aux sorcières l’a montré. Dès lors, les femmes résonnent puissamment avec la nature. La reconnaissance de cette proximité amène, je crois, à tisser des liens privilégiés, à être à l’écoute d’une souffrance similaire, et engendre un besoin de s’affranchir d’un même joug en protégeant ce qui nous échappe et dont nous respectons la liberté, en tant que femmes.

 

Dans Je suis ton soleil, votre héroïne, Déborah, prend dans ses bras un chêne centenaire pour y puiser de la force. Dans les remerciements d’Un si petit oiseau, vous invitez vos lecteurs à prendre soin de la nature et des oiseaux en particulier. Que représentent la nature et les arbres pour vous ?

M. P. — Les Occidentaux pensent dominer la nature, que le progrès les sauvera. Mais nous faisons partie de ce monde. Marcher dans une forêt fait baisser le taux de cortisol, les arbres nous aident à mieux respirer. La nature est la vie. Nous dépendons d’elle. Tuons le vivant et nous mourrons avec.

 

Vous avez signé des récits de fantasy, des récits contemporains et familiaux ; vous cosignez avec Carole Trébor une série humoristique pour les plus jeunes avec des zombies, un récit initiatique proche du conte. Qu’est-ce qui vous fait envie maintenant ?

M. P. — Je suis en train d’écrire un roman de littérature générale, pas drôle, dense, l’histoire d’un renoncement. Ce roman est pétri de tristesse et de nostalgie. Il infuse dans mon quotidien. Alors pour compenser, je travaille en parallèle sur une petite série humoristique jeunesse. J’ai besoin de nature, certes, mais aussi de rire pour mieux respirer.

 

La vie a quasiment quitté le monde dans lequel évolue Samaa. Mais depuis la mort de son père, elle ne pense qu’à une chose : être chasseuse, comme lui, et comprendre ce qu’il a vécu. Être femme ne le lui permet cependant pas, alors Samaa va suivre clandestinement un convoi d’hommes qui va chasser les arbres. Sur le chemin, elle échouera dans une trouée avec un arbre en son cœur. Samaa va vivre là plusieurs mois, seule, et remettre en question tout ce qu’on lui a appris depuis son enfance. Et se trouver face à une évidence : un arbre est une source de vie qu’il faut cesser d’abattre. C’est une formidable déclaration d’amour à la nature que livre dans ce texte Marie Pavlenko. Son héroïne Samaa a une force mentale incroyable. Elle a 12 ans, elle est fille et, aussi fine soit-elle, rien ne peut l’arrêter car c’est bien de la sève qui coule en elle ! De la sève et de la force qui pourraient bien sauver le monde.

 

 

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