Littérature étrangère

Sara Stridsberg

Beckomberga

illustration
photo libraire

Chronique de Maïté Blatz

Librairie Le Roi livre (Paris)

Beckomberga est un lieu bien réel où le romanesque se joue et se rêve... Une institution psychiatrique suédoise cachée au fond d’un parc. Une tension familiale tissée de désillusions et d’espoirs. L’histoire d’un amour absolu.

Beckomberga, le nom d’un hôpital psychiatrique créé près de Stockholm dans les années 1930, est un lieu dit « ouvert » et expérimental, comme a pu l’être la clinique de la Borde vingt années plus tard en France. Jackie y a passé beaucoup de temps enfant, et plus encore adolescente lors de ses visites à son père, Jimmie Darling, dont le mal de vivre profond a marqué l’univers familial. Un début de vie vacillante dû à l’inconstance psychologique du père et aux éloignements progressifs de Lone, sa mère. Chaque départ est pour elle une sorte d’évasion qui lui permet de fuir l’échec de son histoire d’amour. Chaque retour est une remise en question sans fin. Lone sait l’amour indéfectible de Jackie pour son père. Elle comprend l’importante proximité de sa fille auprès de Jimmie. Beckomberga devient, au fil du roman, un personnage à part entière : la promesse d’une relation radicalement différente entre patients et soignants, un lieu mythique où s’opposent les difficultés d’une époque face à une véritable utopie. Le docteur Edward Winterson n’hésite pas à emmener Jimmie et d’autres patients à des soirées festives en ville : « Une nuit en dehors du confinement de l’hôpital vous rend humain à nouveau », dit-il à ses patients. Sabrina, pensionnaire des premiers temps, aime Jimmie en secret. Lorsque Jackie choisit d’être mère à son tour, c’est une sorte de revanche. Surtout, c’est l’émergence d’une belle complicité entre deux générations. Marion, petit-fils de Jimmie, sera un rempart contre la folie, un nouveau départ pour Jackie, et peut-être un nouvel équilibre familial enfin assuré. Beckomberga est un hommage troublant et émouvant, un roman qui raconte la folie avec infiniment de poésie. Notons la magnifique traduction de Jean-Baptiste Coursaud.