Jeunesse

Stéphane Michaka

Alice & merveilles

illustration

Chronique de Coralie Sécher

Librairie Coiffard (Nantes)

Petits ou grands enfants, certains textes classiques de la littérature nous marquent profondément, d’autres nous échappent ou même nous ennuient mais chacun les découvre à son propre rythme, au fil de sa vie. Le plus précieux et le plus important à retenir : il n’est jamais trop tard pour les rencontrer, les apprivoiser et se les approprier.

Les livres sont nos trésors. Nous avons chacun nos préférés, ceux que l’on garde secrètement ou au contraire ceux que nous avons envie de faire découvrir. Qui ne se souvient pas d’avoir partagé un roman chéri avec un proche et le bonheur ressenti lorsque celui-ci termine le livre aussi fasciné et émerveillé que nous l’avions été autrefois. Cela donne lieu à tant de discussions passionnées, narrant à l’autre le personnage favori, les sensations ressenties à un moment clé du texte… Il est si intéressant de voir que nous ne ressentons pas toujours les mêmes émotions, que notre attachement ne va pas toujours au même personnage de l’histoire. Il est peut-être là, le secret de ces textes devenus, au fil du temps, ceux que l’on nomme les classiques : outre leurs qualités littéraires et romanesques, ils sont des œuvres que nous aimons partager, transmettre et redécouvrir à travers les lectures de nos proches. Quel bonheur pour un parent, un grand-parent de partager avec l’enfant un livre aimé, de pouvoir relire – enfin ! – ces histoires tant rêvées. L’histoire d’Alice au pays des merveilles, par exemple, fait partie de ces textes aux diverses lectures, que la maturité révèle différemment. Les éditions Didier Jeunesse, spécialistes de livres-disques pour les enfants, ont décidé de faire adapter le texte du roman par Stéphane Michaka. Le rendu est fin, moderne et les mots sont extrêmement bien choisis. Les voix et le jeu des comédiens-lecteurs servent parfaitement cette adaptation légère mais néanmoins fidèle du texte de Lewis Carroll. Sur le disque, une musique enregistrée lors d’un concert à la Maison de la Radio nous emporte immédiatement dans le pays merveilleux de la fascinante Alice. Un autre album-CD pour cette fin d’année mérite notre attention. La talentueuse illustratrice Charlotte Gastaut nous embarque au Kansas avec Le Magicien d’Oz, aux éditions Milan. Nous quittons le monde fantastique d’Alice pour celui de Dorothy. Malgré sa renommée, ce n’est probablement pas le texte que nous racontons le plus souvent à nos enfants. Pourtant, les références sont riches et l’histoire nous emmène dans un lieu fascinant et parfois assez effrayant : celui du magicien d’Oz et de la méchante sorcière de l’Ouest. Dorothy se réveille au pays d’Oz. Sans qu’elle s’en soit rendu compte, sa maison a écrasé une sorcière dès son arrivée. Commence alors pour la jeune fille aux souliers d’argent une superbe quête initiatique. Sur son chemin, elle va rencontrer nombre de personnages dont l’épouvantail, le lion peureux et le bûcheron de fer. Cette version du classique américain est porté avec brio par Charlotte Gastaut qui donne à cet album-CD non seulement ses jolies illustrations mais aussi sa voix ! Après avoir suivi deux héroïnes au grand cœur et au courage sans faille, place à l’amour ! Que celui qui n’a jamais entendu parler du nez de Cyrano se manifeste ! Imposant, impressionnant, il ne laisse surtout pas indifférent. S’il ne peut pas être discret sur cette protubérance qui se voit comme un nez au milieu de la figure, il garde un secret en lui : son amour pour la belle Roxane. Lorsque arrive un concurrent bien charmant mais un peu benêt, il profite de sa passion pour la langue pour déclarer sa flamme à Roxane au travers du joli minois de Christian. Dans Le Nez de Cyrano, aux éditions du Père Castor/Flammarion, les illustrations riches et piquantes de Thomas Baas s’harmonisent totalement au texte drôle et rythmé de Géraldine Maincent. Voilà donc l’occasion pour les grands et les petits de découvrir l’histoire d’une passion à travers un album qui rend un hommage touchant à Edmond Rostand. Les classiques de la littérature ne sont pas seulement des récits fantastiques ou des histoires d’amour pleines de poésie. Sans avoir besoin de partir pour un monde imaginaire, les textes nous permettent de vivre de grandes aventures, de rêver de voyages sous de nouvelles latitudes et d’imaginer des histoires qui pourraient – presque – nous arriver. C’est le cas de Vendredi ou la vie sauvage de Michel Tournier, illustré en bichromie par le talentueux Ronan Badel, aux éditions Flammarion Jeunesse. Ce roman est une histoire absolument extraordinaire, qui peut faire rêver des tas d’enfants : Robinson Crusoé se retrouve naufragé sur une île déserte après qu’une tempête a frappé le navire dans lequel il voyageait. Son histoire, c’est l’aventure à l’état pur, le sauvage, la découverte, la peur et la solitude. Ce texte, qui a pris sans aucun doute sa place sur le podium des classiques à lire une fois dans sa vie, est illustré de façon malicieuse, fine et particulièrement drôle. Ces dessins rendent le texte initial, retranscrit dans son intégralité, plus abordable, moins impressionnant et vont, je l’espère, permettre à des enfants plus frileux de s’échapper du quotidien avec cette histoire fascinante, qui ne peut nous laisser insensibles. Une autre aventure, et non des moindres, celle de Moby Dick d’Herman Melville. À nouveau lié à la mer, ce texte nous emporte non pas sur une île déserte mais au milieu des flots pour une extraordinaire chasse à la baleine. Ce récit est celui de l’affrontement sans fin du capitaine Achab et de la baleine blanche qui lui a coûté une jambe. Ce roman terrifiant, grandiose nous est narré par Ismaël qui pense s’engager au départ sur un baleinier classique. Très vite, il se rend compte que le capitaine n’est pas seulement en route pour alimenter le marché de la baleine mais qu’il rêve de vengeance et que rien ne pourra l’arrêter sur sa lancée. Dans cette édition illustrée par Anton Lomaev, les dessins sont forts, pesants et impressionnants. Ce sont de véritables tableaux que nous livre l’illustrateur russe en vis-à-vis du texte sur la majorité des doubles pages. Cette fin d’année est riche pour la littérature jeunesse. Les éditeurs ont fait preuve de prouesses et ont réussi à créer de merveilleux accords entre auteurs et illustrateurs. Ce Noël sera celui du partage, de la découverte, de l’émerveillement, et des retrouvailles entre ces héros chéris et nos souvenirs.

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